Robert Badinter, avocat, homme politique, de gauche, intègre.
Quand un vieux monsieur de 95 ans casse sa pipe, on n’en fait pas toute une histoire. La vie se terminant par la mort, quoi de plus normal ? Sauf que dans le cas de Robert Badinter ce n’est pas vrai.
A mes yeux, vous serez toujours l’homme d’état qui a fait abolir la peine capitale en France. C’était une promesse de campagne de François Miterrand, promesse électorale qui n’engage d’habitude que ceux qui y croient. Mais ce n’était pas une simpe parole, c’était un engagement moral, un de ceux qui changent les mentalités.
Ministre de la Justice, vous avez alors pris le risque de faire voter une loi contre l’opinion publique qui était encore en 1981, partisane de la peine de mort – cf Albert Camus qui mena une lutte constante contre cette “illégitime violence légale”.
Grâce à vous aussi la définition juridique du mot couple a été expurgée du carcan paternaliste de “un homme ET une femme” (la seconde souvent au service du premier d’ailleurs) ouvrant ainsi la voie au Pacs, puis au mariage homosexuel. Rebaptisé en 2013 “Mariage pour Tous” au grand dam des cathos et autres intégristes défenseurs de la famille et de la procréation ad libitum (sans trop se préoccuper du chiffre de 8 milliards d’humains sur la planète atteint en 2024).
C’est d’ailleurs sous la présidence d’un autre François, socialiste lui aussi, F. Hollande, que des décisions sociétales d’importance voient enfin le jour…
Mais ce que je respectais au plus haut point chez vous, Monsieur Badinter, c’est bien sûr votre épouse, Elisabeth.
Féministe engagée, elle publie* en 1980 L’Amour en plus, un essai dans lequel elle ose contester l’existence de l’instinct maternel naturel. Merci Madame d’avoir réussi à déculpabiliser les femmes, d’avoir souligné la part de l’inné et de l’acquis dans un domaine jusqu’alors intouchable : la sacro-sainte maternité !
Elisabeth Badinter s’oppose fermement au port du voile qui, pour elle, est un symbole d’oppression et se prononce en faveur de l’interdiction de la burqa. En 2009, elle confiera le choc ressenti la première fois qu’elle a vu ces “femmes fantômes d’Afghanistan” dont elle dira “Je n’aurais pas été plus choquée si j’avais vu des hommes promener leur femme en laisse”.
Elle se qualifiait volontiers de “fille de Simone de Beauvoir” et n’a eu de cesse à ce jour de défendre le droit à l’avortement “un pas immense vers la fin d’une aliénation”.
Il semble bien que ce droit va prochainement être inscrit dans la Constitution. Votre combat, Madame Badinter, n’aura pas été vain.
Muriel Maire 11 Février 2024
* A lire également XY, De l’identité masculine
NB de nombreuses citations sont empruntées à Wikipedia