de Saint-Hippolyte du Fort et d'ailleurs
La borne myriamétrique de Croix-Haute à St-Hippolyte

La borne de Myria à Croix-Haute

Myria : la borne au début de la rue Croix-Haute à St-Hippolyte du Fort.

Juste en amont du 1 Rue de Croix-Haute, au pied du mur, un petit dé porte le joli nom de Myria. Pour une aussi petite pierre, elle pose beaucoup de questions, les unes plus poétiques que les autres.

Étymologiquement parlant, « Myria » renvoie à une myriade d’étoiles ; donc à un nombre indéterminé. Remettrait-elle ainsi en cause ce qui a, de tout temps, été considéré comme juste voire absolu ?

Á voir le chiffre 5, on est tenté de penser qu’il pourrait y avoir plusieurs de ces bornes. Admettons alors qu’elles aient été organisées, régulièrement disposées et qu’elles indiqueraient des distances.

Du fait de l’unité de mesure retenue, indéterminée donc, et donc potentiellement variable, cela voudrait-il dire que quelqu’un ait imaginé un système prenant en compte les lois naturelles auxquelles toute matière terrestre est quotidiennement exposée ? Un système quelque part comparable à nos cadrans solaires, qui font varier la durée des heures en fonction de celle de l’ensoleillement ? La borne indiquerait-elle alors « cinq unités de mesures indéterminées » ?

Fascinant. Que dis-je ? Révolutionnaire ! Voilà qui nous rappelle aussi que le Petit Prince a aujourd’hui 80 ans.

L’histoire de la borne est certes révolutionnaire. Mais seulement dans le sens où elle renvoie au grand chamboulement de la fin du 18ème siècle. La France s’impose alors le mètre étalon en tant que nouvelle unité de mesure. Afin d’inciter les français à adopter la nouvelle norme, on en placarde des exemplaires en marbre, çà et là.

Naturellement, on décline aussi la nouvelle unité au droit du territoire et sa cartographie. Là encore, on retient la base dix. Ce qui fait qu’on dispose des bornes, non pas encore tous les kilomètres, mais tous les dix kilomètres.

Pour cette nouvelle donne, il faut trouver un préfixe sans équivoque. Afin d’assoir un peu plus notre pouvoir d’homo deus, on en profite pour ramener une myriade à un nombre raisonnable, voire tangible. On pense directement à nos dix doigts. On retient donc 10’000, puisque c’est l’objectif recherché.

L’affaire est dans le sac, jusqu’à ce que le Ministère des unités s’en mêle une nouvelle fois. La myriade est ainsi définitivement abandonnée en 1960, au profit de sa rivale de chez Michelin, disposée tous les kilomètres. Celle-ci voit le jour dès le lendemain de la Grande guerre.

Ce n’est cependant pas du fait que cette dernière soit au moins biface qu’elle a supplanté la borne Myria. Il existe effectivement des bornes myriamétriques exploitant les quatre faces, notamment en Allemagne. On peut donc penser que les Allemands ont considérablement amélioré l’invention française et, donc, que Michelin s’en soit inspiré au lendemain de la guerre.

A Croix-Haute, nous avons donc un exemplaire quelque peu rudimentaire, démontrant une fois de plus qu’en France on a certes des idées mais qu’on ne va pas au bout des choses.

Le fait que nous soyons à une distance égale de Nîmes et de Montpellier fait qu’on ne comprend pas le système global. Ce n’est qu’en apprenant que la création du département date, elle aussi, de la Révolution que nous arrivons enfin à nous situer correctement. Nous sommes là à 5 myriades de la préfecture du Gard, donc de Nîmes.

Au niveau de l’utilisation du myriamètre, les irréductibles Norvégiens et les Suédois continuent à raisonner en facteur 10. Sauf qu’ils ont fini par renommer Myria en Mil norso-suédois.

Jeroen van der Goot 14 janvier 2024

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