de Saint-Hippolyte du Fort ... et du monde
Vue vers Cros

Moulins cigalois (05) / le moulin d’Espaze

Le kamikaze cigalois.

Sur la gauche de la photo, on distingue un ouvrage de protection des plus évocateurs. Difficile de s’en lasser. Je publie régulièrement cette image, tant elle résume à elle seule le caractère héroïque — ou inconscient — de ce moulin planté en pleine furie du Vidourle.

Ce moulin hydraulique, situé à la frontière entre Saint-Hippolyte-du-Fort et Cros, figure déjà sur la planche cadastrale de 1693. Il pourrait même remonter à la fin du haut Moyen Âge*.

Mais pourquoi donc construire un moulin en plein lit du Vidourle, en prise directe avec ses colères ? D’autant que l’installation est aussi exposée, latéralement, au valat de la Valestière, qu’on devine à peine sur la droite.

Lors des vidourlades, on imagine sans peine le meunier juché sur le toit, brandissant sa casquette dans le vent, un litron de gnôle à la main, criant “Yee-haw !!” tel le pilote chevauchant sa bombe dans Dr. Folamour.

À mon sens, tout commence avec le creusement du fossé longeant l’actuelle Route de Cros, sans doute à l’occasion de la construction du mur de soutènement.
Le Vidourle y trouve un point faible, s’y engouffre, et creuse naturellement une tranchée.
Quelqu’un a dû y voir l’opportunité d’en faire un béal — un canal d’amenée — parfait pour alimenter un moulin.

La disposition intérieure du bâtiment ne laisse aucun doute : l’entrepreneur savait ce qu’il faisait.

L’étage principal est au premier niveau, à l’abri des crues, et directement accessible depuis la route. On peut même supposer qu’une passerelle permettait de fuir rapidement lorsque le fleuve se fâchait.

Fait remarquable : sur la planche de 1693, les remparts du moulin sont dessinés comme un véritable bouclier, presque sophistiqué. Une manière de dire que même les géomètres de l’époque étaient fascinés par ce défi architectural, tout comme le photographe d’aujourd’hui.

Plutôt que de s’attarder sur les mesures prises au niveau des Jardins cigalois, en aval, il serait sans doute plus pertinent de distinguer l’eau qui descend directement du Vidourle de celle qui déboule par les deux valats amont : la Valestière et le Valatougès.

Le moulin de Figaret, lui aussi exposé latéralement aux crues, mériterait qu’une station de mesure soit installée, au minimum, au droit de sa pansière (également appelée Chaussée de Pied de Nieu), bien en amont du moulin d’Espaze.

Dans ce contexte, il y a de quoi être stupéfait : l’antenne locale de l’OFB, censée protéger les milieux aquatiques, verbalise en été pour non-fermeture du béal, au nom d’une biodiversité qu’elle prétend défendre … tout en fermant les yeux sur les vrais problèmes, comme la dégradation du mur de soutènement de la Route de Cros, pile au niveau du béal.

À propos du moulin d’Espaze comme d’autres, on peut saluer les efforts de l’EPTB Vidourle, qui tente tant bien que mal de jouer les médiateurs face à l’Office français de la biodiversité — dont seule une partie des agents exerce réellement une mission de police de l’eau, et qui dépend, faut-il le rappeler, du ministère de l’Intérieur.

Jeroen van der Goot mai 2025

* À Sommières, on estime que le plus vieux moulin pourrait remonter au XIIe siècle. On n’est donc pas loin, en termes d’ancienneté… ni de témérité.

(A suivre)

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