Un destin bouleversé par la guerre.
Le 10 novembre 1942, l’armée allemande et la 4e armée italienne franchissent la ligne de démarcation pour envahir la “zone libre” sous contrôle du régime de Vichy. Cette opération, baptisée Anton, marque la fin de l’illusion d’une France non occupée.
Un an plus tard, le 8 septembre 1943, l’armistice de Cassibile bouleverse l’ordre établi : l’Italie rompt son alliance avec l’Allemagne nazie et bascule dans le camp des Alliés. Pour la 4e armée italienne, alors stationnée en France, c’est la confusion totale. Certains soldats parviennent à rejoindre l’Italie avec leurs armes, mais beaucoup, comme Corrado Felicetti, sont capturés sans résistance par les Allemands et déclarés prisonniers de guerre.
🔹 La captivité, entre souffrance et survie :
Corrado Felicetti est interné dans un camp de prisonniers dont il suppose qu’il se trouvait en France, sans certitude. Ses souvenirs, transmis à son fils, témoignent d’épreuves marquantes :
• Un officier allemand lui ordonne de repasser son uniforme et tente de l’approcher de manière déplacée, sans succès.
• Un compagnon de captivité, un géant de stature, pleure chaque nuit sous l’effet de la faim.
• Après plusieurs jours de privations, les prisonniers sont soudain nourris de sucre, provoquant une diarrhée collective.
• Il souffre de pyorrhée et d’une dégradation de la vue, probablement dues aux carences alimentaires. Après la guerre, il se fera brûler les gencives pour enrayer la maladie.
🔹 L’évasion et la Résistance :
Un jour de bombardement allié, Corrado et un ami profitent du chaos pour se cacher dans un four à pain inutilisé. Quand ils en sortent, le camp a été évacué. Se retrouvant livrés à eux-mêmes, ces deux soldats italiens, jadis perçus comme occupants, sont désormais traqués comme prisonniers en fuite. Leur seule chance de survie ? Rejoindre la Résistance.
C’est ainsi que Corrado Felicetti trouve refuge dans le maquis français, où il prendra pour pseudonyme “Paolo Rossi”. Il abandonne son uniforme italien pour une tenue de combat vert foncé, et, sur une photo qu’il légenda lui-même, il marque la date de la libération de l’Italie du joug nazi-fasciste.
Parmi les autres clichés conservés par son fils, on distingue une fiancée cigaloise, lui avec sa Motobécane, et enfin, son escouade.
🔹 Un appel à la mémoire collective
Aujourd’hui, son fils nous écrit et partage ces photographies dans l’espoir d’en apprendre davantage sur les liens que son père entretenait à Saint-Hippolyte-du-Fort. Si vous reconnaissez certaines des personnes figurant sur ces images, merci d’écrire à la Gazette.
Ce témoignage nous rappelle que l’histoire n’est jamais aussi tranchée qu’elle peut le paraître. Dans la tourmente de la guerre, certains suivent le mouvement, d’autres font des choix dictés par leur conscience, parfois au péril de leur vie.
Ce récit est celui d’un homme, pris dans la tourmente de l’Histoire, qui trouva au cœur des Cévennes un nouveau sens à son combat.
Jeroen van der Goot mai 2025