Saint Hippolyte, une figure complexe de la chrétienté.
Le texte de Jean Gaston ci-dessous, publié dans La Semaine religieuse de Paris au début du XXᵉ siècle, nous rappelle la complexité de la figure de saint Hippolyte et l’importance de son culte dans l’Europe chrétienne.
Deux traditions distinctes se superposent : d’une part, l’Hippolyte érudit, théologien et auteur, représenté par la statue antique conservée au Vatican ; d’autre part, l’Hippolyte de la piété populaire, le soldat converti par saint Laurent, son prisonnier.
C’est ce second Hippolyte, martyr de la foi, qui a suscité la plus grande ferveur et qui s’est enraciné dans l’art, la liturgie et la mémoire collective.
L’association étroite avec saint Laurent – son geôlier devenu compagnon de martyre – se retrouve dans les mosaïques, la sculpture et même les objets domestiques chrétiens des premiers siècles. Hippolyte incarne ainsi la figure du soldat romain qui, au contact de la foi chrétienne, passe de la garde armée à la garde spirituelle : il est à la fois protecteur, converti exemplaire et témoin du Christ.
C’est sans doute cette image de force et de fidélité, transfigurée par le martyre, qui a valu à saint Hippolyte d’être choisi comme patron de nombreuses communautés, y compris celle de Saint-Hippolyte-du-Fort.
Le village a trouvé en lui un intercesseur à la fois militaire et spirituel, figure idéale d’un protecteur pour une cité placée en lisière des Cévennes et marquée par l’histoire des guerres de religion.
Le texte de Jean Gaston, en retraçant la diffusion iconographique de cette association entre Hippolyte et Laurent, nous offre donc un éclairage précieux pour comprendre pourquoi le souvenir de ce saint a pu s’imposer durablement dans la dévotion locale.
NOTES D’HAGIOGRAPHIE
Quelques monuments anciens de l’association dans l’art chrétien de saint Hippolyte avec saint Laurent.
Par Jean Gaston (1875-1941). Extrait de la Semaine Religieuse de Paris.
« A l’occasion des fêtes de saint Laurent (10 août) et de saint Hippolyte (13 août), patrons de deux de nos paroisses parisiennes, nous recevons la note suivante que nous sommes heureux d’insérer. Il y aurait une vaste étude à publier sur saint. Hippolyte dans la dévotion et dans l’art.
Le saint Hippolyte, que la piété en Italie, en France, en Espagne, dans les pays rhénans, en Autriche, etc., a si fort honoré au cours des siècles, n’est pas le théologien, auteur des Philosophumena dont la statue accueille le visiteur à l’entrée du musée pontifical chrétien et où le saint en une attitude majestueuse est assis dans une chaire dont les parois latérales portent gravés deux tables pascales et un catalogue de livres religieux.
Le culte populaire rattache saint Hippolyte au diacre saint Laurent dont il était le geôlier et par qui il fut converti avec sa nourrice sainte Concorde et toute sa maison.
Cette association des deux saints se retrouve déjà dans les fonds de coupes avec figures chrétiennes dont l’industrie s’est surtout développée de 250 à 350. Le Dictionnaire d’Archéologie de Dom Cabrol et Dom Leclercq (figure 4528) en reproduit une qui est conservée aujourd’hui au British Museum et en signale trois autres (fascicules LI-LII, colonnes 1833, 1839, 1841, sous les numéros 133, 242 et 266) où saint Hippolyte se rencontre avec saint Syxte, saint Vincent, sainte Agnès ou saint Timothée…
On retrouve l’association de saint Hippolyte avec saint Laurent : à Rome, dans la mosaïque de l’arc triomphal de Saint-Laurent-hors-les-Murs (sous le pontificat du Pélage II, 578-590), – à Ravenne (ancienne mosaïque du chœur de Saint-Apollinaire, fin Vie ; Ciampini en conserve le dessin dans ses Vetera Monumenta), – à Rome encore, dans les peintures de la voûte des bains du Pape Formose (fin IXe siècle).
À Brescia, I’un des anciens chapiteaux de la crypte longobarde de San-Salvatore, aujourd’hui conservé au Musée de la ville, représente saint Hippolyte, vêtu de la chlamyde militaire recevant le livre des Évangiles du diacre saint Laurent qui est enfermé dans une prison figurée par une sorte de gril. »
Jeroen van der Goot octobre 2025
Notes : Lieu de conservation BnF Gallica
Crédit photographique : La statue de saint Hippolyte à la Bibliothèque vaticane, vue par Martin Morard.