Ces fous volants et leurs drôles de machines.
Quant à lui-même, notre Tartarin de Tarascon des temps modernes, n’a de volant que celui de son berlingot.
N’étant pas issu d’une lignée aussi richissime que son héros brésilien, Albert Santos-Dumont, la vie a voulu qu’il reste, tel le petit garçon dans Cinéma Paradiso, à vivre son amour depuis le plancher des vaches.
Entre deux cours d’aéronautique à Alès, chacun invite les 7 à 77 ans à venir partager sa contagieuse passion. On le retrouve ainsi, tantôt “en plein air” mais, aussi, dans les salles de conférences souvent improvisées.
À l’occasion d’une dédicace à La Cigale à lunettes, Renata m’avait dit qu’ils attendaient également le meilleur VRP de l’aéronautique de la région. Juste ciel, voilà en effet que notre Coularou rapplique, se faufilant tant bien que mal avec, en remorque, “son” précieux Blériot XI.
À l’intention des néophytes dont j’étais jusqu’à peu, c’est là l’appareil qui a remporté le prix du Daily Mail en 1909, pour avoir pour la première fois traversé la Manche.
Pour le centenaire des rencontres aériennes cigaloises, le Club aéro des Garrigues en a fait réaliser une réplique, plus parfaite encore que l’original.
Sachant que l’oiseau a un frère archéologue au CNRS, je dois peut-être préciser qu’il s’agit ici de Pascal. En d’autres mots, le tenancier de l’établissement qui, longtemps, passait pour être le Centre culturel de St-Hippolyte : la Librairie Coularou, aux éditions éponymes.
Aujourd’hui, notre sympathique VRP est fier d’annoncer qu’il sera bientôt multicarte. À voir ses yeux pétillants de malice, on comprend que pour lui c’est l’Amérique !
Est en effet maintenant en construction la Demoiselle, une réplique d’un des avions d’Albert Santos-Dumont.
Mais c’est qu’en Amérique il y va le plus sérieusement du monde, notre éternel enthousiaste ! N’ayant peur de rien, il part bientôt confronter son Blériot XI aux autres vedettes de l’aéronautique ; le temps d’en négocier le transport avec l’armée de l’air française. À Chicago, notamment. Inutile de préciser qu’il va leur en mettre plein la vue.
Comme je le sens capable de nous ramener du beau monde, je me dis que, plutôt que de joncher la campagne environnante de tapis, les uns encore moins verts que les autres, nous devrions peut-être plutôt réfléchir à réhabiliter l’aérodrome des Batailles.
C’est effectivement là, dans la plaine de Mandiargues, que se sont déroulées les trois rencontres aériennes cigaloises, entre 1912 et 1914.
Sachant que ces festivités rassemblaient jusqu’à 15 000 personnes, on peut potentiellement y voir un levier intéressant pour relancer l’économie locale.
Au début du 20ème siècle, la ville s’est non seulement refaite une beauté mais, afin d’éviter les accidents, ont été remises au goût du jour des cheminements ombragés et essentiellement piétonniers. (1)
Dans une ambiance de beaux chapeaux et bataille de confettis, le tout St-Hippolyte recevait aussi les plus hauts dignitaires de la région.
Les veilles de matchs, les machines volantes étaient préparées dans le magnifique Garage A. Cabane, avant d’être exposées au public. Les festivités s’accompagnaient de poèmes et la présentation des pilotes par un feu d’artifice (2).
Les visiteurs arrivaient par le train, à un tarif négocié par la municipalité. On allait à l’hôtel et, les plus fortunés, à celui du Cheval blanc. Un établissement des plus prestigieux, aujourd’hui menacé de devenir un ensemble de logements sociaux (3).
Du fait des photos en noir et blanc, nous pensons tous à un passé lointain.
Pourtant, de mon côté, j’ai croisé le chemin d’une dame qui avait aidé les frères Caudron à décoller, en Baie de Somme.
Par ailleurs, j’ai passé une nuit au château des Bimard, à St-Paul-Trois-Châteaux. Le fait que Christian, pourtant marquis, nous y ait accueilli avec une simple lampe frontale, montre que des aviateurs comme son intrépide grand-père aviateur, Roger, n’hésitaient pas à jouer les Icare au risque de ruiner la famille.
Enfin, j’ai l’infini plaisir de compter parmi mes connaissances un des neveux de St-Exupéry. Ce qui est pour dire que ces héros de l’aéronautique n’appartiennent pas à un passé aussi lointain qu’on pourrait le penser.
En 2019, avec une émotion non dissimulée, Pascal a écouté Lucille Randon, la doyenne française depuis décédée. Ayant toute sa mémoire de jeune fille, Sœur André lui a raconté ce qu’il n’avait jusque-là vécu qu’en rêve (4).
Qui donc étaient les héros de ces réjouissances, et quel était l’aimant qui attiraient les foules en aussi grand nombre à St-Hippolyte ?
Dans la mesure où son petit recueil est une véritable mine d’or, je vous invite à lire l’histoire richement illustrée, telle que perçue par Régis Thivet (5).
Sans spoiler le remarquable travail de Régis, je peux d’ores et déjà vous souffler que les Cigalois se sont mis à plusieurs afin que ces évènements puissent se tenir ici. À tous, en fait.
Afin de saisir cette folle épopée dans tout son charme, je vous invite, également, à la (re)découvrir dans la vidéo qu’en a faite Frédéric Bertho (6).
- Odon Abbal : Il était une fois St-Hippolyte du Fort et les aéroplanes (Coularou éditeur- 1993)
- Le Petit Méridional, des 3 et 4 juillet 1914.
- Projet à l’ordre du jour de la municipalité actuelle.
- Midi Libre du14 octobre 2019.
- Régis Thivet : Un siècle de cartes postales (2023).
- Frédéric Bertho : Ces portes qui donnent (2023)
Colorisation illustrations : Hugo Snellen van Vollenhoven
Jeroen van der Goot mars 2024