de St-Hippolyte du Fort & du monde

Réflexions à un nouveau PLU

St-Hippolyte, réflexions à un nouveau PLU

Aménager avec sens et responsabilité.

À la sortie de Saint-Hippolyte-du-Fort, sur la route de Ganges, un projet est en cours de réalisation. Il n’est pas nécessaire d’en détailler le contenu pour comprendre qu’il incarne, à lui seul, tout ce qui dysfonctionne dans la société que nous avons créée ensemble.

Non pas qu’il soit illégal ou techniquement mal conçu, mais parce qu’il soulève, par sa seule existence, un ensemble de questions fondamentales sur notre manière d’habiter, d’aménager et de protéger notre cadre de vie.

Le bâtiment en construction s’élève sur un terrain historiquement fertile, l’une de ces zones où la terre, travaillée depuis des générations, conservait encore jusqu’à peu une fonction agricole potentielle. Ce simple fait suffit à faire grincer des dents, car à l’heure où les terres cultivables se raréfient, chaque perte, même marginale, semble symbolique.

Mais le problème ne s’arrête pas là : ce secteur est exposé à des eaux de ruissellement provenant du Maffre, que le plan de prévention des risques d’inondation n’a visiblement pas pris en compte. Lors d’épisodes cévenols extrêmes, on y a vu s’accumuler près d’un mètre d’eau, incompatible avec l’idée d’y construire.

D’un point de vue administratif, la parcelle se situe en zone UB du Plan Local d’Urbanisme (PLU), c’est-à-dire une zone officiellement déclarée constructible à vocation d’habitat ou de commerces. Rien d’illégal, jusque-là.

Mais l’enjeu n’est pas de savoir si la règle autorise : il est de savoir si la règle est pertinente. Ce projet met en lumière les limites d’un PLU qui, révisé par strates successives depuis la mise en place du POS (Plan d’Occupation des Sols), ne traduit pas le type de vision d’ensemble que nous aimerions.

Le bâtiment, de structure métallique et habillé de bacs acier sans doute destinés à recevoir un habillage, s’apparente à un cube à toiture-terrasse. Rien de dramatique en soi — nombre d’architectes, y compris parmi les plus grands, ont magnifiquement travaillé la modernité sous cette forme.

Mais ici, faute de précision dans les finitions et dans l’aménagement paysager, l’effet produit est celui d’une verrue urbaine. Certes, il faut bien permettre à la commune de s’agrandir.

Dans l’absolu, il serait logique d’imaginer, entre le bourg ancien et les zones périphériques, une ceinture de transition ménageant une gradation entre tissus denses et espaces ouverts. Mais ce modèle théorique ne correspond pas à la configuration héritée du parti adopté en 1987 – déjà esquissé sur des cartes napoléoniennes – qui fit passer la D999 au plus près du centre, le long des anciens remparts démolis.

Ce choix, que l’on peut juger discutable rétrospectivement, a supprimé toute marge d’aménagement entre la route départementale et le bourg, créant des coupures artificielles là où des quartiers de transition auraient pu s’insérer. L’option alternative, celle d’un tracé par Croix-Haute, la place du 4 Septembre et l’ancienne route de Ganges -pour laquelle la municipalité avait pourtant déjà engagé les procédures d’expulsion des riverains – aurait sans doute permis d’apaiser la circulation le long des remparts et de la route du cimetière protestant, tout en valorisant la place de la Couronne et l’entrée de ville côté Sauve.

Un tel choix aurait aussi préservé la lisibilité de l’urbanisme d’origine, à condition bien sûr d’intégrer dès le départ la question du risque d’inondation, trop longtemps ignorée.

Certes, il faut bien permettre à la commune de s’agrandir. Mais pourquoi ne pas avoir anticipé, dès la conception du POS puis du PLU, une ceinture de transition entre le bourg ancien et la rocade ? Une bande construite en front de départementale, mais dont l’arrière-plan aurait pu accueillir des tissus de quartiers, des espaces plantés, des zones d’artisanat léger, bref – une extension pensée plutôt que subie.

Depuis quelques semaines, les spéculations vont bon train : McDonald’s, bar de nuit ou siège d’un parti politique controversé – les rumeurs rivalisent d’imagination.

Il est utile de rappeler quelques réalités simples. Il est hautement improbable qu’un McDonald’s ou toute autre enseigne de ce type s’installe dans un bâtiment conçu par un tiers : ces entreprises construisent en général leurs propres établissements selon des chartes très strictes.

Quant à la municipalité, elle ne dispose d’aucun pouvoir direct pour imposer ou interdire un type d’activité, dès lors que le projet respecte le zonage et le règlement du PLU. Elle peut suggérer, orienter, inciter, voire dérouler le tapis rouge à un acteur donné, mais non contraindre un propriétaire à opter pour tel ou tel locataire.

Le vrai sujet n’est donc pas le futur occupant, mais le processus qui permet à une telle construction d’émerger sans réflexion d’ensemble sur l’identité de la ville.

Un point juridique déterminant a été négligé jusqu’ici : la parcelle du projet se situe à 400 mètres du monument aux morts classé, alors que le périmètre de protection réglementaire est de 500 mètres. Cette donnée ouvre un levier important : les services compétents, notamment les Architectes des Bâtiments de France (ABF), pourraient considérer que la construction menace la protection du monument et exiger des modifications substantielles, voire la démolition partielle ou totale de l’ouvrage en cours.

C’est le seul facteur concret qui pourrait – à mon avis – réellement remettre en cause le projet, indépendamment de toute discussion sur l’esthétique ou l’urbanisme.

Au-delà de l’édifice lui-même, l’affaire illustre un malaise plus large : celui d’un PLU devenu inadapté aux réalités du terrain. L’une de ses rigidités majeures concerne la réglementation du stationnement : toute construction neuve ou division d’immeuble en appartements suppose la création de places dédiées.

Une contrainte logique sur le papier, mais absurde dans le contexte d’un bourg médiéval dense et contraint, où l’espace public est déjà saturé. Appliquée mécaniquement, cette règle décourage toute restauration ambitieuse du centre ancien ; elle pousse nombre de propriétaires à différer, voire à renoncer à leurs projets. Faute de perspectives viables, certains bâtiments sont laissés à l’abandon, tandis que les projets neufs se reportent naturellement vers la périphérie – là où le foncier est disponible, mais souvent au prix de la disparition progressive des terres fertiles sous le béton.

À cela s’ajoute une autre forme de rigidité, plus subtile mais tout aussi décourageante : l’obligation de se conformer à une palette restreinte de couleurs et de matériaux, qui bride toute expression créative. Dans un contexte pourtant riche de nuances, d’expérimentations et d’identités locales fortes, cette normalisation conduit à un certain appauvrissement visuel.

Elle rend par exemple impossibles des projets de fresques murales comme celle du Plan – que l’on aime ou non – ou encore des choix de teintes audacieux, comme celui pour notre propre façade, au départ décrié alors qu’une fois l’enduit sec a fait l’unanimité.

Autant de signes que la question esthétique n’est jamais simple, et qu’une approche trop normative risque d’éteindre l’élan créatif nécessaire à la vitalité du bourg.

Il n’est pas inutile de rappeler que, pendant trois mois, une équipe pluridisciplinaire mandatée par les partenaires institutionnels a travaillé sur la requalification du Plan et de la place de la mairie. On ignore tout du détail de leurs échanges avec la municipalité – l’existence même de la collaboration n’a jamais été rendue publique – mais la feuille de route publiée sur le site de la DREAL Occitanie laisse entrevoir la nature des orientations proposées : suppression du stationnement sur le Plan et mise en place d’un volet paysager, idéaux qui allaient dans le sens d’une modernisation réfléchie.

Les choix finalement opérés semblent, hélas, s’en être éloignés. Ces consignes montrent que des solutions audacieuses et complexes pouvaient être envisagées, mais leur mise en œuvre demande du courage et de la vision politique.

Le défi de Saint-Hippolyte ne réside pas dans le fait de stopper l’urbanisation, mais de la penser avec intelligence et continuité. Sommes-nous prêts à suivre la municipalité, qui a opté pour le modèle d’une « Petite ville de demain », orientée vers une urbanité accrue, ou préférons-nous défendre un concept intermédiaire de « Village authentique de demain » ?

La nuance est essentielle : il ne s’agit pas de transformer le bourg en musée figé, mais de créer un environnement agréable à vivre, riche en commerces de qualité et ouvert aux évolutions des modes de vie. Une rocade n’a pas vocation à devenir une zone commerciale informe ; elle peut, si on s’en donne les moyens, constituer un axe paysager, bordé de plantations, de bâtiments à gabarits maîtrisés et de matériaux durables, intégrant des usages mixtes et des possibilités d’extension raisonnée.

Dans cette perspective, la question de l’économie locale – jamais évoquée par quiconque – est centrale. Encourager les circuits courts et protéger les activités de proximité n’est pas seulement une mesure sociale et économique : c’est aussi une stratégie écologique, réduisant les émissions de CO₂ liées aux transports.

Sous prétexte d’un meilleur pouvoir d’achat, nous ne pouvons pas sacrifier un tissu social dans lequel des commerces indépendants, des artisans et des maraîchers ont un rôle crucial, et qui garantit l’âme et l’attractivité de notre village.

Le débat ne doit pas se réduire à une querelle d’experts. L’aménagement du territoire est l’affaire de tous, car c’est notre cadre de vie commun. Plutôt que de s’écharper sur qui a tort ou raison, tâchons de réfléchir ensemble : comment préserver nos terres, nos paysages, nos bourgs, tout en permettant à Saint-Hippolyte de se développer harmonieusement ? Comment bâtir sans détruire, moderniser sans banaliser, accueillir sans défigurer ? Ces questions ne sont pas techniques ; elles sont politiques, culturelles et profondément humaines.

Jeroen van der Goot  octobre 2025

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