de Saint-Hippolyte du Fort ... et du monde
Sur les traces du temple perdu à St-Hippolyte du Fort

Sur les traces du temple perdu

Sur la trace du premier temple cigalois.

Après des années de tensions religieuses et d’assemblées clandestines, Catherine de Médicis tente de réconcilier le peuple français. Du fait de son pouvoir de régente, elle en a la possibilité.

En 1562, son fils, le roi Charles IX, n’a que 12 ans. C’est donc elle qui tente pour la première fois d’instaurer un édit de tolérance. Celui-ci peine non seulement à passer auprès de la Cour de justice (Parlement de Paris) mais attise au contraire les échauffourées.

Surtout dans le midi, les protestants préfèrent détruire les églises plutôt que de les restituer aux catholiques. Ce qui laisse penser que les protestants cigalois ont potentiellement occupé, puis détruit, le principal lieu de culte du bourg. Il n’est effectivement pas pensable que la première église date de la construction des remparts.

L’édit de Catherine de Médicis, suivi 35 ans plus tard, par celui d’Henri IV (Edit de Nantes), reconnait certes le culte protestant. Mais les assemblées et la construction des temples sont néanmoins tenues à se faire en dehors des villes et villages. Ce qui indique que le temple cigalois, aujourd’hui détruit, a dû se trouver dans l’un des faubourgs de St-Hippolyte.

Place de la Couronne, on est frappé par les belles pierres qui dénotent au niveau de certaines façades. Sachant qu’on estime qu’elles proviennent de l’ancien temple, c’est vraisemblablement quelque part là que se trouvait ce dernier. Mais où ?

Le désordre des façades et autres pignons marquant ladite place d’aujourd’hui font qu’on peine à lire une quelconque volonté urbaine. Á ce capharnaüm, il faut rajouter le tracé à l’emporte-pièce de la D 999 qui semble aussi avoir redéfini le parcellaire. Que s’est-il passé ?

Des vieux plans dont nous disposons, on est tenté d’imaginer une composition arborée en gestation, associant tant bien que mal un pont ancestral avec un hôpital et, pourquoi pas, un temple.

Le vieux pont de pierre nous parait provenir du fond des âges. Ce qui fait que nous en avons fait le point d’ancrage par excellence du quartier. Ce, en dépit du fait que le tracé régulier de la Rue de Croix-Haute indique clairement qu’elle constituait la voie d’accès originelle. Or il existe des documents dans nos archives municipales qui datent le premier pont de pierre au 18ème siècle, seulement. Du fait que ce nouveau pont ne s’inscrit absolument pas dans la continuité du tissu urbain, on se repose la question de l’emplacement originel, où les ponts étaient en bois voire où il n’y avait, un temps, qu’un gué.

On constate que le bâti de grande hauteur cernant la Place de la Couronne est situé en bordure de la rue de Croix-Haute, côté prolongement vers l’Argentesse. Dans la mesure où ce tronçon bute sur la rivière, on comprend que c’est bien de là qu’a dû initialement se faire le passage de la rivière. C’est aussi là que le lit de l’Argentesse est le moins profond et que passe une chaussée dont le rôle incertain semble renvoyer au passage en siphon de la fontaine de l’hôpital, notamment. On note accessoirement que l’ouvrage constitue un raccourci piétonnier, entre Croix-Haute et le Pradet.

En prenant le pont de pierre, on s’aperçoit aussi que celui-ci monte un peu inutilement, du fait qu’il redescend après. Ce qui n’est pas logique par rapport à un bourg qui s’est essentiellement établi à l’intersection du relief et de la plaine.

On peut donc penser qu’on ait construit un pont en pierre parallèle à celui en bois, afin de ne pas perturber le trafic le temps des travaux ; mais le même problème se posait déjà pour les ponts de bois. On peut aussi imaginer que la chicane ait eu pour objet un meilleur contrôle du passage des remparts ; mais pourquoi alors un tel dispositif là et pas ailleurs ? Enfin, il est possible qu’on ait voulu rehausser ledit pont afin de mieux échapper à la fougue de l’Argentesse ; ce qui se saurait.

Au-delà de ces critères rationnels, on peut aussi se dire que la Place de la Couronne et son pont aient avant tout constitué un geste symbolique fort destiné à rétablir l’autorité religieuse officielle. Ce qui voudrait dire que la Place de la Couronne pourrait se trouver à l’emplacement même de l’ancien temple.

En termes d’urbanisme, cela voudrait aussi dire que, pour atteindre l’objectif psychologique, on n’a pas hésité à inverser le sens des bâtiments pris entre la rue de Croix-Haute et la Place de la Couronne – dont l’hôpital.

En nous référant à ce triste lieu sous la forme d’un nom en total décalage avec le temps, nous entretenons un mythe et des blessures. En adoptant ce même nom au droit des HLM à l’entrée de la ville, nous aggravons la confusion dans le quartier.

(A suivre)

janvier 2024 Jeroen van der Goot

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