Et pour toutes les femmes violentées par la vie.
En cette journée de lutte contre les violences faites aux femmes, mes pensées vont vers celles qui ont subi une autre forme de violence : les grossesses à répétition, sans même oser se poser la question est-ce normal ?
Dans un monde d’hommes pour qui avoir des enfants était (est encore) signe de puissance virile, l’avis des femmes comptait (compte encore) pour du beurre. Et honte à celles qualifiées de stériles, répudiées pour une infertilité dont elles seules étaient tenues pour responsables. Heureusement la médecine a fait quelques progrès de ce côté.
Ma grand’mère maternelle a eu 9 enfants, dont 2 morts en bas âge, et deux nés la même année : 1 en janvier et 1 en décembre. A chaque naissance, mon grand’père vérifait si le produit livré était conforme et en bon état. Puis il s’en désintéresssait complètement.
Tout cela se passait à Paris au début du XXème siècle. Dans les milieux bourgeois, c’était coutumier de se faire aider à la maison par une bonne à tout faire … même le devoir dit conjugal à la place d’épouses fatiguées, pour ne pas dire éreintées.
Trois fois hélas pour ma petite grand’mère, la crise de 29 est passée par là et les investissements à hauts risques de son époux l’ont mené tout droit à la ruine. Pire ! Jusqu’à un court séjour en prison pour malversation : plus d’aide ménagère, plus de sous du tout.
La dèche : ma grand’mère a tenu bon.
Puis il y a eu la 2ème guerre mondiale et l’occupation allemande, avec les restrictions et les souffrances que l’on sait.
La guerre : ma grand’mère a tenu bon.
Je garde le souvenir d’une femme joyeuse, généreuse, mais empétrée dans un corps* déformé par une vie au seul service de sa famille. Si on compte bien, 7 enfants à élever plus un mari “dans la finance” c’est quand même du boulot.
Passée reine dans l’art d’accomoder les restes, je me souviens de son délicieux ragout au poulet, en fait les abats, cuisinés avec quelques légumes et des chipolatas sur le dessus pour faire bonne figure.
Malicieuse, elle coupait le vin de mon grand’père avec de l’eau. Ce dernier faisait semblant de rien mais, à mon avis, n’était pas dupe pour autant.
Alors quand je vois que le droit à l’IVG peut être remis en question dans n’importe quel pays, sous n’importe quel prétexte (électoral surtout) je m’insurge. Je m’étrangle.
Pas touche les gars ! Notre corps nous appartient**.
A nous seules.
Illustration : ma grand’mère paternelle, chanceuse, n’a eu que trois enfants. Elle lavait le linge à la rivière, dans le Jura. Eté comme hiver.
Muriel Maire 25 novembre 2024
*Ses pauvres jambes emballées dans d’épais bandages de contention, fort laids, été comme hiver.
**La contraception et le consentement préalable aux relations sexuelles sont aussi des droits à défendre inlassablement.