de Saint-Hippolyte du Fort et d'ailleurs
Meuses à Cazilhac

Histoires de norias

Les meuses à Cazilhac.

En regardant tourner les grandes roues à aubes à Cazilhac, nous reviennent les vers enchanteurs de Charles Péguy :

« O Meuse endormeuse et douce à mon enfance… O Meuse inaltérable et douce à toute enfance ».

Quoi de plus juste, en effet, pour décrire cet environnement serein et ces majestueuses roues aux mousses dégoulinantes d’eau ?

La lenteur de leur inlassable mouvement silencieux évoque le temps qui passe, doucement mais sûrement, toujours dans la même direction.

Les grandes roues en châtaignier semblent tourner pour le plaisir des yeux. Le temps d’une promenade, elles nous ramènent à nous-mêmes, au sens de la vie et à l’essentiel.

Malgré toute l’énergie déployée pour réaliser de tels ouvrages, on prélève finalement d’assez faibles quantités d’eau. Il faut cependant croire que cela a dû satisfaire, sans quoi il y en aurait davantage.

Ce n’est qu’en nous interrogeant sur l’utilité de toute cette poésie qu’on découvre les petits godets disposés à l’ombre des gigantesques roues de six mètres de diamètre.

La taille des godets dépend en effet de la force motrice, ici plutôt faible.

Ces capteurs puisent l’eau du canal alimenté par la Vis (1), pour l’amener au droit d’un modeste réceptacle disposé au sommet de chaque structure, voire à côté.

À ce dernier est aujourd’hui raccordé un simple tuyau d’arrosage (2). Mais comme cet accessoire ne date que du milieu du 20ème siècle, on comprend que le système d’irrigation devait, à l’origine, être encore plus complexe qu’aujourd’hui.

Ce qu’on comprend aussi, c’est que les besoins en eau ont considérablement évolué avec le temps. Que jadis on se contentait de bien moins et que, probablement, on faisait de l’eau un usage plus raisonné.

Du fait de notre soleil méridional, il est possible qu’on irriguât par voie souterraine et par le biais de canonnades en argile, en adjoignant peut-être aux cultures des additifs naturels susceptibles de retenir un peu l’eau avant de se décomposer, agrémentant ainsi également la terre.

Ici, il reste en tout cas de l’eau pour satisfaire aussi les cultures, essentielles à notre alimentation. Fort heureusement, on n’a donc pas besoin de trancher par rapport à une vie où l’eau sert uniquement aux besoins domestiques et où l’alimentation vient d’ailleurs.

Bien qu’on ait là aussi identifié des moulins hydrauliques romains, les meuses (3) de Cazilhac, aujourd’hui réduites au nombre de six, dateraient de la fin du 19ème siècle.

Depuis cet article de Gérard Biotteau (2005), chargé d’espoir et de nobles intentions, près de la moitié des meuses sont vouées à une inquiétante dégradation.

Toutes typologies confondues, les norias nous viennent du fond des âges. On en trouvait en Irak et en Iran mais, depuis, aussi sur l’ensemble du pourtour de la mer Méditerranée.

À voir le couronnement du réservoir semi-enterré jouxtant le Mas du moulin Neuf, on réalise qu’il y en avait également à St-Hippolyte. Le long de l’Agal, on note parallèlement des murets dont le faitage canalisait l’eau.

C’est donc peut-être le début d’une nouvelle série d’articles.

  1. Il est intéressant de noter que l’eau provient de la Vis, et non pas de l’Hérault. Elle arrive en fait du barrage où nous aimions nous baigner (alias Cascade de la Vis), construit par la marquise de Ganges vers l’an 1600. De ce point, elle était acheminée, côté paroi rocheuse, le long de la D25 jusqu’à Cazilhac. À voir l’inflexion du canal au droit de la bâtisse attenante au château de Val-Marie, on peut penser que cette dernière faisait office de moulin.
  2. celui à côté du château Val-Marie.
  3. Meuse : terme probablement antérieur à la période romaine, avec une origine pré-celtique provenant du mot mǔso, signifiant « humide ».

Jeroen van der Goot mars 2024

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