de Saint-Hippolyte du Fort et d'ailleurs
La Cité aux 50 fontaines

La cité aux 50 fontaines : lettre ouverte au préfet

Les restrictions d’eau préfectorales.

Monsieur le Préfet du Gard,


Un des principaux thèmes qui m’animent aujourd’hui touche à l’eau.

Vivant depuis peu dans un bourg qui s’est de tout temps développé autour de cet élément, je me retrouve dans un laboratoire des plus exceptionnels. De ce fait, je suis confronté à un dilemme qui m’amène à vous aujourd’hui.

À St-Hippolyte-du-Fort (30170), il y a près de 50 fontaines et bornes-fontaines, tantôt publiques, tantôt privées.

Par ailleurs, il reste ici un nombre impressionnant de vestiges de béals, liés à un réseau pluriséculaire d’irrigation et de moulins hydrauliques, notamment.

Dans un monde, dans lequel l’eau devient une denrée de plus en plus recherchée, on aimerait voir là un patrimoine particulièrement rare.

Pourtant, depuis des générations, cette richesse a été complètement négligée.

Du fait de changements de paradigmes successifs, les moulins ont tout d’abord changé de destination pour, au final, la plupart du temps devenir des logements.

Plutôt que de se préoccuper de notre économie locale, le monde des affaires nous a amené à consommer des denrées venues de Mer noire, de Chine, d’Almeria, et j’en passe.

De ce fait, nous avons ainsi fini par boucher la plupart de nos canaux, afin de permettre une meilleure densification urbaine.

De la même manière, n’avons-nous pas hésité à rendre constructibles des parcelles à l’origine cultivables.

Ceci fait qu’il n’y a aujourd’hui plus d’agriculture locale, autre que la viticulture et les olives, à moins de 30 km à la ronde.

Nous sommes donc progressivement devenus entièrement tributaires d’un réseau de grande distribution. Ce phénomène ayant parallèlement participé à effacer le patrimoine culinaire qui faisait de la France une exception mondiale.

Comme la plupart des éléments, l’eau s’inscrit dans un cycle complexe. Sa seule fin n’est donc pas seulement d’alimenter l’Homme mais, également, la nature qui l’entoure et le cycle de l’eau en général.

Étant donné l’emballement climatique, il nous faut tenter de comprendre comment nous pouvons remédier à la situation.

Très certainement que le sujet ne se limite pas à la seule consommation humaine, c’est-à-dire la seule que nous semblons aujourd’hui favoriser. À moins que l’objectif soit, parallèlement, d’alimenter la végétation qui encombre le lit d’un Vidourle, fleuve pourtant réputé pour ses sautes d’humeurs.

Par fortes chaleurs, les villes n’hésitent pas à mettre à disposition des fontaines portatives, si ce n’est de l’eau en bouteilles plastiques. Alors qu’à St-Hippolyte, il suffirait de correctement réhabiliter le patrimoine hydraulique.

Ceci serait d’autant plus pertinent que nos 50 fontaines ont également un pouvoir d’attraction qui pourrait nous aider à sortir du marasme économique.

Si le problème tient avant tout à l’état des nappes phréatiques – ce dont je ne doute pas un seul instant – il est également important de ne pas, systématiquement, mettre au lendemain la question de la perméabilisation des sols, voire de l’étalement urbain.

Pour en avoir informé la préfecture, vous savez peut-être que nous avons encore récemment aggravé la situation. À l’occasion de la « requalification » de notre Place Jean Jaurès – alias le Plan, nous avons effectivement maintenant entièrement recouvert les surfaces de béton.

Le ministère de l’écologie m’a écrit avoir également relancé vos services sur la question des arbres du Plan et de la promenade attenante. J’ose par conséquent espérer que vous êtes au fait que tous les arbres touchés par le projet sont a priori, à terme, compromis par les travaux entrepris au nom de ce bien commun.

Étant donné le soleil méridional et les rôles que jouent les arbres, la situation m’a semblé suffisamment grave pour la faire remonter en hauts lieux. Ce d’autant plus que ce projet qui passe officiellement pour une « redynamisation du centre-bourg » n’a été possible qu’avec l’aide financière desdits partenaires institutionnels. Dito pour les 10 platanes abattus à l’insu de la population du bourg.

Sachant que les béals de nos moulins foisonnent d’écrevisses, quand ce n’est pas aussi de truites, est-il véritablement judicieux de demander la fermeture des béals par temps de restriction ? Ou, encore : est-il réellement pertinent de rendre payante l’eau qu’on prélève aux rivières ?

Certains propriétaires de moulin réaffectent leur turbine afin de produire de l’hydroélectricité. Que devient alors leur motivation s’il faut tout à coup payer l’eau ?

Que sont devenus les droits inaliénables et autres concessions dites à perpétuité ?

Pour ma part, j’imagine aussi mal un réseau de meuses, comme à Cazilhac (Hérault), survivre à des décisions à l’emporte-pièce aussi absurdes.

En vous remerciant de l’intérêt que vous aurez su porter à ce courrier.

Veuillez agréez, Monsieur le Préfet, l’expression de mes sentiments distingués,

Jeroen van der Goot 26 mars 2024

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